Ce lundi 25 novembre, 60 millions de consommateurs, Santéclair et le Collectif interassociatif sur la santé ont tenu une conférence de presse afin d’alarmer les pouvoirs publics à propos du renoncement aux soins dentaires. En effet, près d’un tiers des consommateurs renoncerait à se faire soigner les dents car la somme restant à leur charge est trop élevée.
Après remboursement de la Sécurité sociale et de la mutuelle, la somme totale restant à la charge des patients français s’élève à 6 milliards d’euros, soit environ 100 € par personne. Pour une couronne, on estime à 240 € le reste à charge et à 700 € une prothèse unimaxillaire. Concernant l’orthodontie, le patient peut supporter jusqu’à 650 € de reste à charge par semestre, soit 1300 € annuels !
Soins dentaires : des dépassements d’honoraires inégaux
Caries, dévitalisation, détartrage… Les tarifs des soins courants pratiqués par les dentistes sont encadrés par la Sécurité sociale. Ils ne doivent, en théorie, pas faire l’objet de dépassements d’honoraires. Sur la base du tarif de ces soins, la Sécurité sociale rembourse 70%, et le reste est complété par la complémentaire santé. En 2012, ces soins ont pesé 1,75 milliard d’€ dont 2% du total ont concerné des dépassements. 57% de ces dépassements concernent à eux seuls les dentistes installés à Paris. L’Observatoire citoyen des restes à charges en santé insiste sur le fait que ces dépassements sont… illégaux.
Voici les montants moyens de dépassement d’honoraires constaté sur les soins courants, pour quelques départements :
- Paris : 9,5€
- Hauts-de-Seine et Yvelines : 1,33 et 1,08€
- Autres départements en Métropole : moins de 1 euro
- Guadeloupe : 3,78€
- Guyane : 4€
- Martinique : 3,43€
Par exemple, pour une extraction de dents, les dentistes parisiens dépassent en moyenne de 23% le tarif de convention ! Au niveau national, le dépassement n’est « que » de 2%.
Sur le sujet du dépassement d’honoraires des soins dentaires courants, l’Observatoire interpelle la CNAM : comment procéder pour s’assurer que les dépassements d’honoraires sont justifiés (demande du patient, activité du chirurgien relevant d’un droit permanent au dépassement) ? Et s’ils ne sont pas justifiés, comment les stopper ?
Reste à charge des prothèses : 200€ de reste à charge au minimum
Mais le point le plus noir est celui du remboursement de prothèses (couronnes, bridges) reconstitutions ou appareils dentaires. En effet, en 2012, l’Observatoire relève que ce type de soins a coûté 5 milliards d’€. Et la Sécurité sociale rembourse très mal ces dépenses : sur les 5 milliards engagés, elle n’a remboursé qu’1 milliard d’€. A Paris, le reste à charge peut monter jusqu’à… 400€. A cela est déduit le remboursement de la complémentaire santé, qui est aujourd’hui difficile à estimer.
Faisons les comptes ! A titre d’exemple, pour une couronne céramique, le prix moyen du marché serait de 546€.
La Sécurité sociale rembourserait 75,25€,
La mutuelle dentaire environ 229€.
Il resterait à la charge du patient 242€.
L’observatoire dénonce également un choix de soin très onéreux : par exemple, il existe une alternative à la « reconstitution sous couronne au fauteuil » qui peut être fabriquée par le dentiste dans son cabinet ou par un prothésiste et ensuite posé par le dentiste. Ces deux techniques se valent, mais d’un point de vue pécuniaire, elles n’ont rien à voir. Dans le premier cas, le tarif est fixé par la Sécurité sociale à 79,53€, et dans le second cas, le dentiste fixe librement ses honoraires (de 150 à 300€). Résultat : 24€ de reste à charge dans le premier cas, 122€ pour le second. Et l’alternative moins onéreuse est trop peu proposée aux patients !
Orthodontie : le gouffre du reste à charge
Les soins d’orthodontie représentent les plus fortes dépenses en termes de soins dentaires. Près de 80% de leurs coûts sont des dépassements d’honoraires, pris en charge par la complémentaire santé… ou par le patient. On peut prendre, par exemple, le cas du « semestre de traitement actif » où le patient porte un appareillage orthodontique. En 2012, on considère que cet acte est facturé 650€ en moyenne (jusqu’à 1000€ à Paris). La Sécurité sociale rembourse 193,50€ par semestre si le traitement démarre avant les 16 ans du patient.
Des assurés et des assureurs pris en tenaille
Pour les assurés, la situation se complique. Les personnes qui disposent d’une complémentaire santé basée sur les dépenses essentielles (soins courants, consultations…) voient leur reste à charge augmenter et doivent piocher dans leur éventuelle épargne pour régler leurs dépenses. Les assurés qui ont souscrit à une mutuelle de moyenne gamme souffrent également devant l’envolée des montants restant à leur charge. Ils sont pénalisés par une cotisation mensuelle d’assurance santé relativement élevée et un niveau de remboursement insuffisants. Dans ce contexte, que faire ? Prendre une meilleure mutuelle mais avec des cotisations mensuelles de plus en plus difficiles à assumer ? Rester sur un contrat intermédiaire mais avec le risque de subir des restes à charge importants ?
Pour les complémentaires santé aussi, la situation est alarmante. Si elles veulent satisfaire leurs assurés, une hausse des niveaux de remboursements ira de pair avec une hausse des cotisations. Si elles optent pour le statu quo, elles voient leurs assurés en proie à des difficultés pour payer leurs dépenses de santé et qui s’interrogent sur l’utilité réelle d’une assurance santé qui n’est que partiellement là quand on a besoin d’elle.
Conclusion : des dépassements d’honoraires illégaux, des techniques très coûteuses injustement favorisées… Les soins dentaires pèsent très lourds dans le portefeuille des Français. Et s’ils veulent se doter d’une complémentaire santé performante , la facture mensuelle s’allonge !
En complément de son étude, l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé a demandé à l’Assurance Maladie de s’expliquer sur le « manque de suivi » qu’elle opère auprès des médecins.
Sources : communiqué de presse du CIFF
Le saviez-vous ? |
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Pour son étude, l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé a utilisé des chiffres libres de droit (open data). Ce sont des bases de données anonymes proposées par l’Assurance Maladie, auxquels l’Observatoire a eu accès en tant que membre de l’Institut des données de santé. Il participe également à l’enrichissement du site Open Data Santé qui défend un accès libre aux données collectives et non nominatives de santé.L’Observatoire se plaint régulièrement que la France ne promeuve pas l’Open Data, notamment en termes de santé. En effet, le ministère de la Santé ne souhaite pas autoriser l’Institut national de la consommation à accéder à l’ensemble des données même si celles-ci sont non-sensibles.
Enfin, notons que l’Observatoire qui défend l’open data a rendu publiques les données nationales et régionales qui leur ont permis d’établir son étude !
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