Après notre avis sur « S comme seniors », voici l’interview de son auteur. Entre constats lucides et messages positifs, Ralph Hababou nous apporte un éclairage nouveau sur la population des seniors.

A la fin de votre livre, vous écrivez « Quant à mes lecteurs qui ont dépassé le cap des 45 ans, j’espère qu’ils ont compris qu’il leur restait à vivre les plus belles années de leur vie ». Comme la population vieillit, est-ce que ça n’est pas choquant de parler du cap des 45 ans, la phase où les actifs sont en plein cœur de leur carrière ? Pourquoi pas 50 ans, voire 60 ?
On me pose souvent cette question : à quel âge devient-on senior ? Les gens sont souvent inquiets de savoir quand se situe l’entrée dans l’âge senior, comme si c’était une maladie. « Quand est-ce que ça va m’arriver ? ». Physiquement, la presbytie apparaît vers 45 ans. Pour la première fois dans votre histoire personnelle, quelque chose change. C’est aussi à 45 ans qu’on observe les premiers phénomènes au niveau des articulations. Ce sont des faits médicaux, ce n’est pas une estimation émise au hasard. On passe la moitié de sa vie à être catégorisé senior. Il faut s’en rendre compte et ne pas le nier, parce qu’on peut passer à côté de plein de choses !
Votre livre fait un état des lieux des seniors en France. Leur rapport à la technologie existe bel et bien (contrairement aux idées reçues), et ce sont des clients exigeants. Pensez-vous que leur rapport à l’assurance ait également changé ?
Il y a de moins en moins d’actifs, et de moins en moins de gens qui parviennent à trouver un CDI. En revanche, il y a de plus en plus de gens à la retraite. Nous avons un système social qui fait que l’État garantit la retraite, et ça ne tiendra plus longtemps. Si vous n’avez pas de fortune, il faudra vous débrouiller par vous-même : désormais, même les jeunes de 15 ans le savent.
Sur le marché des assurances, il n’y a pas que l’assurance obsèques, mais on en parle beaucoup, car c’est un marché porteur. La plupart du temps, les seniors préfèrent souscrire eux-mêmes plutôt que de laisser leurs proches s’en occuper.
En 2015, les seniors seront 20 millions en France. Selon vous, quelle est la principale mesure que le gouvernement devrait faire passer pour eux?
C’est moins une mesure que des choses à modifier : rajouter quelques secondes aux feux rouges, refaire des rues qui sont en mauvais état… Avec les seniors, il y a une vraie transition démographique : comment adapter la société ? On pourrait aussi imprimer les caractères des journaux en un peu plus gros, mettre plus de rampes d’accès… Ce qu’ils font déjà au Japon ! Là-bas, il y a du personnel dans le métro pour s’occuper des personnes âgées. Nous avons un retard énorme par rapport à ce pays, c’est dramatique. Même à Londres, les ascenseurs sont beaucoup plus nombreux qu’en France. Il y a un tropisme de jeunesse chez nous. Muriel Boulmier, que je cite dans mon livre, appelle les seniors « le trou noir de la société française ». On les nie, ils n’existent pas. Pourtant, nous vivons dans un monde complexe, où l’on devrait prendre le temps de parler aux seniors, de leur expliquer les choses. On a créé beaucoup de systèmes sophistiqués, mais ils ne sont pas forcément adaptés ! Il faut qu’il y ait une prise de conscience de toute la société. On s’en sortira les uns avec les autres, pas les uns contre les autres.
Est-ce que les seniors français sont, par leurs comportements, comparables aux seniors européens ?
Il y a beaucoup de points communs, même si les régimes sociaux sont différents. L’Allemagne va vite être confrontée à un problème de vieillissement, par exemple. Mais dans tous les cas, les seniors qui ont connu Mai 68 sont une génération bénie des dieux, qui bénéficie de tout ce qui s’est passé avant. Est-ce que c’est une génération consciente de sa chance ? De nos jours, ce sont les jeunes qui économisent et les vieux qui dépensent, alors que ça devrait être l’inverse ! Les seniors qui ont connu la guerre, eux, sont plus prudents.
Et vous, à 50 ans passés, quel type de senior êtes-vous ?
(Sourire) C’est une période extraordinaire ! On a plus de recul, plus de maturité, on a abandonné tous les mauvais combats. J’ai fondé Columbus Café, ça n’a pas fait de profits. Je ne serai jamais Xavier Niel mais je m’en porte très bien ! Je voyage, je fais du sport, je suis en bonne santé. Je me sens bien ! A 35 ans, on a ce rêve de fonder son entreprise, d’avoir telle ou telle idée : bon débarras ! On n’a jamais vu un coffre-fort suivre un cercueil. C’est l’occasion de prendre du temps. Vous savez, à chaque fois que je raconte l’histoire des 5 plus grands regrets, il y a toujours beaucoup d’émotion. [NdA : Bronnie Ware, une infirmière australienne, a publié un livre qui recueillait les cinq plus grands regrets de patients en soins palliatifs.] A la fin, ce sont les vraies valeurs qui comptent.
Ralph Hababou, un homme d’expérience
Ralph Hababou est le cofondateur de Columbus Café, société créée en 1994. En 2004, l’entreprise est revendue à des financiers et Hababou revient à ses premières amours : le conseil. Depuis 2005, il dirige PBRH Conseil, qu’il a cofondé en en 1987. Il a également publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Service gagnant » (First, 2007), qui a remporté un grand succès, et « Service client pour les Nuls » (First, 2010).