Le budget annuel pour les lunettes en France serait deux fois supérieur à la moyenne européenne. Afin de limiter l’inflation dans ce secteur, le gouvernement prévoit de plafonner le remboursement des frais d’optique par les complémentaires santé (voir notre article du 21 mars : Pas plus de 350 euros remboursés pour vos lunettes !). Décryptage des diverses réaction.

Les fabricants n’aiment pas ce qu’ils voient
Le Gifo (Groupement des Industriels et Fabricants de l’Optique) a lancé un cri d’alerte dans le journal Le Monde en mars dernier. Selon les fabricants, l’industrie de l’optique est en danger ! Aujourd’hui, le marché français se compose d’une trentaine de marques, regroupées en une quarantaine de PME, soit environ 10 500 postes. Face à la concurrence internationale, ce secteur a du se repositionner, il y a quelques années, sur du haut de gamme. Les professionnels revendiquent une valeur ajoutée basée sur la qualité et l’innovation.
- De quoi ont-ils peur ?
Selon eux, les mutuelles risquent de se positionner sur le prix le plus bas. Cela pourrait entraîner une standardisation des montures (vers des produits basiques à faible valeur ajoutée). Ils craignent, de plus, que les distributeurs aillent se fournir à l’étranger pour les produits moyenne et haut de gamme afin de conserver leurs marges. Dans ces conditions, le risque est donc un effondrement du marché et la suppression de milliers de postes.
- Les freins :
Ils ne peuvent pas baisser leur prix en raison du coup de la main d’œuvre et de la recherche et développement. Leurs créations sont vendues en moyenne 70 € aux opticiens qui les revendent ensuite 2 à 3 fois plus cher (entre 160 et 200 €).
Les opticiens sont encore dans le flou
Sur cette question, les opticiens n’ont pas eu une réaction unanime. Ils semblent toutefois globalement inquiets et attendent plus de précisions. Certains sont même plus virulents comme Phillipe Peyrard, directeur général délégué des opticiens Atol, qui déclare : « C’est la fin de l’industrie française dans ce secteur ». Plusieurs opticiens annoncent déjà qu’afin de conserver leurs marges intactes, ils se verront contraints de se fournir à l‘étranger.
- De quoi ont-ils peur ?
Beaucoup de distributeurs ont reproché au décret de ne pas prévoir une baisse des cotisations de complémentaires santé. Ils craignent que cela entraîne au bout du compte une augmentation des frais de santé. Selon eux, un marché à double vitesse pourrait s’instaurer. D’un côté, ceux qui auront les moyens de s’offrir des modèles haut de gamme et de l’autre, ceux qui devront se contenter des modèles basiques.
- Leurs freins :
Le plafonnement dégressif sur plusieurs années risque d’entraîner de grandes difficultés de gestion pour les magasins, notamment au niveau des achats et des stocks.
Les complémentaires voient double
Mutuelles, assurances et institutions de prévoyance ont réagi de différentes manières. Les contrats qui seront concernés sont ceux dits « solidaires et responsables », soit 90 % des contrats aujourd’hui. Si le décret est adopté, les complémentaires devront les plafonner afin de bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse. Ils pourront toujours proposer des contrats (non responsables) avec une couverture plus large mais ces derniers seront plus fortement taxés.
- Les pour :
La Mutualité française se déclare plutôt favorable à une action permettant de stopper l’inflation dans le secteur de l’optique. Mais, selon elle, il faudra cependant trouver un juste équilibre afin de ne pas pénaliser les assurés. Cela pourrait également permettre de mettre fin à une pratique des opticiens poussant les prix à la hausse. Ces derniers auraient en effet tendance à orienter le choix du client vers un achat entrainant un taux de remboursement maximal.
- Les contre :
De son côté, la fédération française des sociétés d’assurance trouve les plafonds trop bas pour les verres simples et complexes. Le risque est de pénaliser les assurés sur des besoins de santé. Au contraire, pour certains, les plafonds sont trop élevés pour avoir un réel effet sur les prix.
Et les particuliers dans tout ça ?
70 % des Français portent des lunettes. Mais de plus en plus de particuliers renoncent à des soins optiques pour des raisons financières. Ce décret se présente comme une réelle protection pour le consommateur. Benoît Hamon a ainsi déclaré : « Notre objectif est de faire baisser de 20 à 30 % le prix des lunettes, soit environ un milliard d’euros de pouvoir d’achat qui pourra être restitué aux Français».
- Les freins :
ils ont déjà été évoqués. Certains observateurs ont peur que ce décret n’atteigne pas son but, ne prévoyant pas en parallèle une baisse des cotisations. Cela fait craindre par la même occasion l’aggravation de la fracture sociale.
Ce décret prévoit également une prise en charge limitée à une paire de lunettes tous les deux ans (sauf pour les enfants et en cas de changements de correction). Les changements pourraient donc être nombreux pour les particuliers, sachant que la loi Hamon facilite déjà l’achat de lunettes en ligne (voir à ce sujet notre article du 11 décembre dernier : Un avenir radieux pour la vente de lunettes sur internet ?).
Un vent de nouveauté qui semble bienvenu alors que 8 Français sur 10 estiment que l’augmentation des frais de santé devient une vraie question de société.
Pour tout comprendre du débat en cours :
135 euros. Tel est le prix moyen d’une monture en France, auquel s’ajoute le prix de verres simples (environ 143 €) ou complexes (environ 433 €). Pour faire baisser ces tarifs, le gouvernement a soumis un projet de décret en mars dernier. Il prévoit de plafonner les remboursements des frais optiques par les complémentaires santés. En effet, avec une dépense prise en charge à 5% par la Sécurité sociale, le remboursement des lunettes repose presque entièrement sur ces dernières.
Le montant de remboursement serait limité à :
- 100 euros à partir 2015 pour les montures
- 200 euros dès 2018 pour les verres simples
- 400 euros pour les verres complexes en 2018 (au lieu de 600 maximum)
Fabricants, distributeurs et complémentaires ont réagi de manière contrastée, souvent en se renvoyant la balle. On vous aide à y voir plus clair !
Coup d’œil sur le marché de l’optique
- En France, un habitant paie 88 €en moyenne par an pour des dépenses optique, contre 54 € en Allemagne et 49 € au Royaume-Uni.
- Ces dépenses ont augmenté de 36 % depuis 2008.
- En 2011, le remboursement des dépenses d’optique était réparti de la manière suivante : 68,4% pour les assurances maladie complémentaires, 26,6% par les ménages, 5% par la Sécurité sociale et l’État.