Décidément, les opticiens en ligne font beaucoup parler d’eux en ce moment. L’un d’entre eux, Sensee, dénonce le « blocage » d’un leader mondial des verres qui empêche la baisse des prix, souhaitée par les acteurs de la vente par internet de lunettes et lentilles. Rappelons que l’ambition de Sensee, lors de sa création en 2011, était de « diviser par deux le prix de l’optique en France ». Parvient-il à remplir sa mission ? Aujourd’hui, non. Voici l’explication.
D’après son dirigeant, Marc Simoncini (connu pour avoir créé Meetic, site web de rencontres), Essilor détiendrait le « quasi-monopole des verres ». Le marché de l’optique, d’après lui, serait totalement verrouillé par quelques industriels autour de la vente de lunettes en boutique : ainsi, le prix des verres (en boutique) serait vendu en moyenne à 6 fois leur coût, alors qu’en grande distribution les marges ne sont pas si élevées (il s’agit en général de 2 à 3 fois le prix). Même constat pour les montures, dont les marges seraient trop élevées. Au regard des prix de revient, les bases de remboursement de la sécurité sociale, considérées comme décorrélées de la réalité, ne sont pas aussi faibles qu’on pourrait le penser de prime abord.
Le réseau d’opticiens »mortar » est composé de 11 000 boutiques dans notre pays, soit 1 pour 5400 habitants. D’après Marc Simonicini, ce chiffre est élevé en regard de la situation aux Etats Unis, qui en compte trois fois moins. Cela signifie-t-il qu’il y a trop d’opticiens en France ?
Mais le fondateur de la chaire e-business à HEC enrage pour une autre raison : Essilor, l’industriel qui fabrique les verres ophtalmologiques à la plupart des fabricants/opticiens, lui refuse la vente de ses verres. La raison de ce refus, d’après Marc Simonicini, est qu’il ne souhaite pas fragiliser le réseau de boutiques. En effet, Marc Simonicini perd un argument très fort sur son site internet en ne pouvant indiquer aux consommateurs que leurs verres sont conçus chez Essilor, le numéro un mondial des verres correcteurs. Sensee serait donc vu comme étant une menace directe aux boutiques d’opticiens, car ce site marchand pratiquerait des prix défiant toutes concurrences. De plus, il garantit les mêmes exigences en termes de qualité que celle que l’on peut trouver chez son opticien au coin de la rue.
Résultat : peu d’intermédiaires souhaitent travailler avec Sensee, de peur de fâcher les opticiens et els industriels, ce qui ralentit considérablement son développement. Afin d’asseoir ses intuitions, Marc Simoncini a commandé une étude à Altermind ainsi qu’à deux économistes. Leurs conclusions sont sans appel : le chiffre d’affaire de l’optique français est supérieur d’un tiers à ce qu’il serait si le coût des verres ou montures étaient identiques à l’Allemagne, par exemple. Altermind estime que l’entrée de nouveaux acteurs tels que les sites de vente en ligne sont freinés par la position dominante de fournisseurs, qui verrouillent le marché.
Le coût des lunettes s’est toujours traîné la réputation d’être trop onéreuse, mais il est clair que cette étude révèle un fait nouveau pour le consommateur : celui de prix « abusifs ». En revanche, celui-ci est habitué à acheter en boutique et à y trouver un service, en général, de bonne qualité. La vente en ligne parviendra-t-elle à acquérir et conserver le même niveau de satisfaction client ?
En tout cas, l’étude indique que « une ouverture du marché permettrait au moins 300 millions d’€ d’économie par an pour les consommateurs ». Ce qui serait, à l’heure des inquiétudes des citoyens, un point positif pour ce secteur.
Chiffres clés :
- 11 000 boutiques en France, soit 1 pour 5400 habitants
- 12 000 boutiques en Allemagne, soit 1 pour 6800 habitants
- 720 000€ : Chiffre d’affaire de boutique sous enseigne
- 71% des hauts revenus portent des lunettes
- 60% de hausse de la consommation de produits optiques en France en dix ans (2000-2010), faisant des Français les plus gros consommateurs européens
Lire l’étude : http://static.sensee.com/media/etude/Sensee-Etude-Economique-Optique.pdf