Suicide chez les chefs d’entreprise : un sujet préoccupant mais tabou ?

Si la question du suicide en entreprise est prise très au sérieux (voir les cas de France Télécom / Orange, Renault, Pôle Emploi ou encore La Poste), celle du suicide des chefs d’entreprise est bien moins « médiatisée ».  Elle est même très peu étudiée. Et pourtant, d’après l’Observatoire des dirigeants de PME (AMAROK), un à deux chefs d’entreprise se suicideraient par jour ! Pour les agriculteurs, le suicide serait la troisième cause de mortalité. Alors, le suicide, plus grave que le cancer chez les indépendants français ?

TNS : en bonne santé, mais fragile

Malgré ces chiffres alarmistes, plus de 4 chefs d’entreprises sur 5 estiment que leur état de santé est bon, voire très bon. D’après l’étude d’AMAROK, la taille de l’entreprise a un impact, car les chefs d’entreprises de plus de 10 salariés ont répondu positivement à cette question à 81% (contre 77% pour les moins de 10 salariés).  En comparant ces données avec l’état de santé des salariés, il apparaît que les chefs d’entreprise sont en meilleure santé que ces derniers. Par ailleurs, le stress est également plus important pour les salariés.

Et pourtant, malgré cette meilleure santé, les chefs d’entreprise sont beaucoup plus vulnérables. Ils peuvent être déstabilisés par des évènements tels qu’un licenciement à mettre en place, la perte de chiffre d’affaire, etc. Le sentiment de « l’impuissance soudaine » est plus ravageur pour les TNS qui ne sont pas préparés à l’échec. Tout ces évènements peuvent participer à une dégradation rapide du psychisme du dirigeant, pouvant mener au burn-out.

Burn-out : anti-chambre du suicide ?

Le burn-out, mal du siècle ? D’après Olivier Torrès, chercheur et dirigeant de l’Observatoire Amarok, il semblerait que cela soit le cas. Pour lui, Plus de 10 % des chefs d’entreprise présenteraient des signes de pré burn-out. Parmi les symptômes, Olivier Torrès relève le travail compulsif et excessif, la qualité du sommeil qui se dégrade et une irritabilité croissante.

Le chef d’entreprise étant propriétaire de son entreprise, il est soumis à un stress plus important que le salarié. En cas de redressement judiciaire ou de liquidation, Olivier Torrès affirme que le chef d’entreprise peut facilement tomber dans le cercle des trois D : « Dépression, Divorce, Dépôt de bilan ». Contrairement aux patrons de très grandes entreprises, une petite somme impayée peut causer des nuits blanches !

Problème ? Le chef d’entreprise est le « commercial n°1 » de son entreprise, et il risque de propager son mal-être aux salariés, voire même… au client. Et ainsi de fragiliser son entreprise.  Voir même de broyer des idées noires… et de passer à l’acte.

Comment se protéger ?

La famille, et plus particulièrement le conjoint ou la conjointe, peuvent aider les patrons à « s’auto-limiter » et à lâcher-prise. Et enfin, les syndicats nationaux auraient leur carte à jouer : d’après le chercheur, ils doivent être à l’écoute de leur public et être en capacité d’identifier les signes précurseurs du burn-out.

Le tribunal de commerce de Sainte, dans le Sud Ouest, a mis en place un plan de prévention du suicide des chefs d’entreprise. C’est une première en France.  Ainsi, les professionnels de justice ont été formés aux risques suicidaires, limitant ainsi les termes juridiques difficiles à entendre, généralement des facteurs aggravants pour le chef d’entreprise déjà affaibli. Parmi les mesures concrètes qui ont été prises, on relève la possibilité pour le patron de rencontrer un thérapeute, et enfin des délais raccourcis entre l’appel et la mise en alerte du tribunal de commerce.

Espérons que cette initiative s’étende sur le reste du territoire !